
Lorsque la BNS surprend tout le monde
Reto Staeheli, membre de la Direction de Trianon et spécialiste des fonds de pension suisses et étrangers, fait le point sur l’abandon brutal du taux plancher à 1.20 contre l’Euro, décidé par la Banque Nationale Suisse.
Comment cet événement a-t-il été vécu par vos équipes et vos clients ?
Nous avons toujours un enseignement à tirer des situations de crise. Les métiers de la gestion des actifs sont intrinsèquement exposés à des variations qu’il est parfois impossible d’anticiper ; nous en avons la preuve avec ce coup de théâtre monétaire. Ce n’est pas la première fois que nous vivons ce genre d’expérience et nous avons pour principe de nous positionner qu’au terme d’une analyse systémique du contexte. Dans le cas présent, nos clients n’ont pas manifesté d’inquiétude exagérée, à juste titre, et nous savions que rien ne devait être déduit sans observer, à terme, l’onde de choc sur les marchés financiers et l’économie Suisse dans sa globalité.
Selon vous, quelles raisons ont poussé notre banque centrale à prendre cette décision ?
Cela s’inscrit dans une logique économique et une pression intense sur les devises et le Franc suisse en particulier ; la Suisse aurait-elle choisi de ne plus lier son destin à l’Euro, compte tenu de la politique d’affaiblissement menée par la banque centrale européenne ? C’est un scénario plausible. La mesure a été brutale, certes, mais l’effet de surprise était nécessaire afin d’éviter une réaction anticipée néfaste des traders et des marchés. Du côté des clients de la Fondation Collective Trianon, l’impact a été limité initialement, car ceux-ci disposent de solutions qui couvrent le risque de change, une régularisation semble se dessiner aussi après plus d’un mois. Cela étant, le coût de protection de ces risques va sensiblement augmenter, c’est une conséquence à prévoir. Quoi qu’il en soit, l’horizon temps des placements dans le domaine de la prévoyance est le long terme, la diversification est très large, nous restons confiants malgré la volatilité qui fait partie des marchés.
Avec quelles inflexions sur votre politique d’investissement ?
Le taux de change n’est pas un élément prépondérant dans les stratégies d’investissement. Nos clients et nos partenaires bancaires ont une vision prudentielle et néanmoins avisée, ils investiguent tous les secteurs d’investissement susceptibles de produire un rapport risque/rendement en rapport avec les besoins de leur Caisse de prévoyance. L’immobilier est bien sûr un véhicule très prisé par les caisses de pension, bien qu’il soit assez couteux en Suisse. Les placements en actions restent attractifs, avec de nombreuses possibilités de pondération. Dans le domaine de la prévoyance, et compte tenu du contexte actuel des taux d’intérêt très bas voir négatif, il faut se montrer patient et réfléchi, avec le respect des garde-fous sécuritaires comme l’OPP 2. En ce qui concerne les clients de la FCT, et de manière pondérée, on peut affirmer que la tendance va à peu d’achats d’obligations d’État pour plutôt des obligations d’entreprises, un peu plus d’actions ou d’autres actifs sûrs avec un potentiel de croissance.
Comment envisagez-vous votre stratégie d’investissement pour l’avenir immédiat et compte tenu des taux négatifs sur le cash que certaines banques pratiquent déjà ?
La décision de la BNS de charger le dépôt cash des banques auprès d’elle avec des intérêts négatifs afin d'enlever la pression sur le franc suisse a des répercussions dans le monde institutionnel. Par ailleurs, la situation d’une banque à l’autre n’est pas la même. Ces taux pourront évoluer dans un sens comme dans l’autre dans le futur selon les conditions du marché, les banques en sont tributaires et elles ne peuvent avoir d’impact sur ce point.
Côté Fondation Collective Trianon, nous faisons en sorte que nos clients ne soient pas touchés par les taux négatifs sur les comptes de liquidités et pour l’instant nous avons mis en place des solutions sécurisées. Nous suivons toutefois l’évolution de cette situation avec beaucoup de détermination et d’attention pour tous nos clients et assurés.
Il est vrai que l’avenir se présente avec des risques accrus de fluctuation, ce sont des évolutions que le monde de la prévoyance doit accepter, la diversification reste le fondement de la sécurité des placements. L’objectif de la prévoyance professionnelle et de la Fondation Collective Trianon est de garantir des rentes ou des capitaux sécurisés aux assurés arrivés à la retraite, notre mission est de veiller à l’atteinte de cet objectif.
Quel message adressez-vous aux assurés suite à cet événement ?
Que la prévoyance professionnelle n’est pas un long fleuve tranquille et que, face aux marchés, nos partenaires bancaires et nos équipes travaillent sans relâche à bien en comprendre les évolutions, à prendre position intelligemment et sans précipitation face aux chamboulements possibles. La Suisse est en interdépendance avec les économies des autres nations, nous avons le passionnant devoir de ne pas en rester aux variables helvétiques et de nous intéresser à la marche du monde.
Quoi qu’il en soit, la diversification des actifs reste la meilleure approche dans le but de sécuriser la fortune des Caisses de pension. Au sein de la Fondation Collective Trianon, toutes les stratégies d’investissement sont définies par les commissions de gestion de nos clients avec le support de partenaires bancaires reconnus, supervisées par un expert, contrôlées et suivies par un team Trianon dirigé par un réviseur bancaire.
Le modèle de la prévoyance professionnelle en Suisse est envié par beaucoup de pays, nos caisses de pensions privées sont en très bonne santé financière et démontrent encore aujourd’hui qu’elles ne sont pas affectées à terme par la décision de la BNS.
Reto Staeheli